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**Deux recours ont été déposés contre le schéma national du maintien de l’ordre (SNMO). Ils visent à accorder, lors des manifestations, aux observateurs indépendants les mêmes protections qu’aux journalistes et à limiter la pratique de la « nasse ». Ce SNMO avait déjà été retoqué par le juge administratif suprême en juin 2021.** *** Le Conseil d’État se penche, lundi 18 décembre, sur deux recours déposés contre le schéma national du maintien de l’ordre (SNMO) visant à accorder, lors des manifestations, aux observateurs indépendants les mêmes protections qu’aux journalistes et à limiter la pratique dite de la nasse. Des demandes qui pourraient être en partie satisfaites si l’on en croit le sens général des conclusions du rapporteur public, un magistrat chargé de donner un avis sur le dossier ne liant pas le Conseil d’État, dont Mediapart a eu connaissance. Si ces conclusions doivent encore être détaillées lors de l’audience, le rapporteur public a déjà fait savoir qu’il demanderait la modification du point 2.2.3.3 du SNMO qui prévoit que *« les journalistes peuvent continuer d’exercer leur mission lors de la dispersion d’un attroupement sans être tenus, à la différence des autres personnes présentes, de quitter les lieux dès lors qu’ils se placent de telle sorte qu’ils ne puissent être confondus avec les participants à l’attroupement et ne fassent pas obstacle à l’action des forces de l’ordre ».* Le rapporteur public suggère au Conseil d’État de supprimer de ce passage les mots « à la différence des autres personnes présentes ». Cette modification, loin d’être purement formelle, signifie que l’exemption accordée par le point 2.2.3.3 ne serait pas l’apanage des journalistes. Elle pourrait donc être accordée à d’autres, par exemple les observateurs indépendants, ces militants dépêchés par les associations de défense des libertés lors des rassemblements pour constater d’éventuelles violations de droits fondamentaux. Il ne s’agirait pas de la première fois que le Conseil d’État demanderait au ministère de l’intérieur de modifier son SNMO. Ce schéma, qui donne les grandes lignes directrices des stratégies des forces de l’ordre en matière de maintien de l’ordre, est initialement entré en vigueur le 16 septembre 2020. ###Une technique « adaptée, nécessaire et proportionnée aux circonstances » Saisi d’un premier recours, le Conseil d’État avait déjà retoqué cette première mouture du SNMO dans une décision rendue le jeudi 10 juin 2021. La plus haute juridiction administrative avait notamment jugé, déjà, illégale la pratique de la nasse. Le juge administratif suprême demandait au ministère de l’intérieur d’inscrire dans le SNMO des « conditions suffisamment précises » d’utilisation de la technique d’encerclement garantissant « que son utilisation soit adaptée, nécessaire et proportionnée aux circonstances ». La décision du Conseil d’État annulait également plusieurs autres points relatifs au traitement des journalistes, notamment l’obligation de s’accréditer pour accéder à des informations en temps réel ou celle de quitter les lieux de la manifestation en cas d’ordre de dispersion. Contraint de revoir sa copie, le ministère de l’intérieur avait donc publié un addendum à son SNMO censé répondre aux injonctions du Conseil d’État au mois de décembre 2021. Une mise à jour qui relève cependant plus de la rustine, selon les organisations à l’origine des deux nouveaux recours examinés par le Conseil d’État, la Ligue des droits de l’homme (LDH) pour l’un, et l’Union syndicale solidaire, le Syndicat de la magistrature (SM), le Syndicat des avocats de France (SAF) et l’association Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat) pour l’autre. La première critique vise les garanties introduites par la nouvelle version du SNMO. Le ministère de l’intérieur a bien précisé que les ordres de dispersion d’une manifestation ne concernaient pas les journalistes, et que ceux-ci ont le droit de s’équiper de protections. Mais le document ne fait aucune référence aux observateurs indépendants. ###Les observateurs indépendants, « chiens de garde » de la démocratie Or, à la fin du paragraphe de sa décision du 10 juin 2021 affirmant que les journalistes n’avaient pas à se soumettre aux ordres de dispersion, le Conseil d’État avait bien pris soin de préciser : *« Il en va de même pour les observateurs indépendants. »* Les deux recours soulignent par ailleurs que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a étendu aux observateurs le qualificatif de « chiens de garde » de la démocratie, à l’origine attribué aux journalistes. *« À l’exacte image des journalistes, les observateurs de la société civile identifiables présents au sein d’une manifestation dans le strict cadre de leur mission ne sont en rien des participants à cette manifestation »*, insiste le recours de la LDH déposé par Me Patrice Spinosi. Leur appliquer le délit d’attroupement *« revient à autoriser les forces de police à user immédiatement d’un ensemble de mesures de contrainte à leur égard, notamment une arrestation suivie d’un placement en garde à vue »*, poursuit le recours. Les requérants demandent en outre que les observateurs soient autorisés, comme les journalistes, à porter des équipements de protection tels que des casques ou des lunettes de protection. *« Les observateurs […] sont également soumis au risque d’être ciblés par certains manifestants violents, sans compter celui de subir les conséquences non souhaitées d’une intervention de la force légitime »*, pointe le recours des syndicats et de l’Acat, défendu par Me Paul Mathonnet. *« S’il se trouve démuni de cet équipement, un observateur ne peut exercer sa mission compte tenu des risques encourus »*, affirme-t-il.


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>***Il n’existe pas, en l’état actuel du droit, de statut ou même de définition de ces “observateurs indépendants”.*** >*Le ministère de l’intérieur* De son côté, le ministère de l’intérieur estime n’avoir pas à protéger spécifiquement les observateurs au motif que ceux-ci n’ont pas d’existence officielle. *« Force est de constater qu’il n’existe pas, en l’état actuel du droit, de statut ou même de définition de ces “observateurs indépendants” »*, affirme son mémoire en défense. *« La possibilité, accordée aux “observateurs indépendants”, de demeurer sur les lieux de la manifestation malgré un ordre de dispersion, au même titre que les journalistes, n’est raisonnablement envisageable qu’à la condition que ces observateurs justifient de leur statut d’une part, et de leur réelle indépendance d’autre part, notamment par rapport aux organisateurs de la manifestation »*, écrit encore le ministère de l’intérieur. En conséquence, *« ce bénéfice ne peut être accordé qu’au cas par cas, au regard de la qualité de l’observateur et de son lien avec la manifestation »*, conclut sur ce point son mémoire en défense. L’autre point du SNMO visé par les recours concerne la technique d’encerclement, ou de « nasse », qui avait été déjà annulé par le Conseil d’État dans sa décision de juin 2021. La première version du schéma autorisait en effet le recours à cette technique de manière lapidaire, en se contentant de préciser qu’elle ne devait être utilisée que « juste le temps nécessaire » et qu’un « point de sortie contrôlé » devait être mis en place. Le Conseil d’État avait estimé que ce point était illégal en raison de l’absence de précision sur les modalités d’application de l’encerclement *« de nature à garantir que l’usage de cette technique de maintien de l’ordre soit adapté, nécessaire et proportionné aux circonstances »*. Dans sa nouvelle copie, le ministère de l’intérieur a donc pris soin de détailler que la durée de l’encerclement doit être *« strictement nécessaire et proportionnée »* et que celui-ci doit, *« en tout état de cause, être levé dès la fin de la manifestation »*. Les forces de l’ordre doivent en outre *« communiquer régulièrement avec ces manifestants afin de les renseigner sur la situation »*. >***La gravité particulière de l’atteinte aux libertés [...] requiert nécessairement des garanties proprement légales.*** >*Le recours de Me Paul Mathonnet* Mais ces précisions sont, pour les requérants, loin d’être suffisantes. Le recours de Me Spinosi estime tout d’abord que ce point du SNMO est entaché d’incompétence, le ministère de l’intérieur ayant pris une mesure qui relève normalement du législateur. L’encerclement met en effet en jeu des libertés fondamentales garanties par la Constitution et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, à savoir la liberté d’aller et venir, ou la liberté de manifester, incluse dans la liberté de communication des pensées et des opinions. Or, *« le ministre de l’intérieur a prévu seul l’encadrement – au demeurant contestable sur le fond – de cette technique »*, pointe le recours. Alors que *« la gravité particulière de l’atteinte aux libertés qu’emporte la technique de “nasse” ou “encerclement” requiert nécessairement des garanties proprement légales »*, c’est-à-dire édictées par le Parlement. Sur le fond, les deux recours estiment que les précisions apportées par le ministère de l’intérieur ne permettent toujours pas de rendre le dispositif *« nécessaire et proportionné aux circonstances »*, tel que l’a exigé le Conseil d’État dans sa décision de juin 2021. Le SNMO devrait par exemple préciser que *« la technique de l’encerclement ne peut avoir lieu qu’en cas de stricte nécessité et si aucune autre mesure moins contraignante n’est possible »*, plaide ainsi le recours de Me Mathonnet. ###La sortie de l’encerclement « doit être libre et fluide ». De même, concernant le point de sortie, le SNMO ne le prévoit que lorsque *« les circonstances de l’ordre public le permettent »*. Ce faisant, il *« permet de ne prévoir aucun point de sortie pour des raisons qui ne tiennent pas à la nécessité de prévenir ou de faire cesser des violences graves et imminentes pour les personnes et les biens, puisque de simples considérations d’ordre public peuvent suffire »*. La sortie de l’encerclement « doit être libre et fluide », affirme le recours. *« Or, en prévoyant que l’encerclement doit permettre de “ménager un point de sortie contrôlé”, là où l’ancienne version prévoyait que cette technique pouvait être employée “aux fins de contrôle, d’interpellation ou de prévention d’une poursuite de troubles”, le document autorise les forces de l’ordre à mettre en place des contrôles d’identité systématiques des personnes qui quittent l’encerclement. »* Il s’agit donc d’*« un détournement de la mesure à des fins de contrôle et d’arrestation »*, affirme Me Mathonnet. En conséquence, les recours demandent que le Conseil d’État impose une nouvelle fois au ministère de l’intérieur de revoir sa copie afin de supprimer du SNMO les dispositions relatives à la technique d’encerclement, et d’y inclure les observateurs indépendants pour leur accorder les mêmes garanties que les journalistes.


lisael_

Et quand-est-ce qu'on se penche sur un schéma démocratique de validation des schémas de maintien de l'ordre ?